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« Ce soir, 21 h 30, café « Chez Esther » à l’angle de l’avenue Fragonard et de l’avenue de Valrose. Le messager aura une chemise rouge. Roxanne »
Le message palpite devant mes yeux. C’est le premier que je reçois depuis mon entrevue avec Roxanne. Je suis tout excitée. Le laconisme du texte attise ma curiosité.
Ce messager, que va-t-il me remettre ? Une mallette pleine de billets ? - Allez, Oriane, arrête de fabuler ! J’ai beau me répéter ça, la journée ne passe pas assez vite à mon gré. Je ne dis rien à Julie, je n’ai pas envie de tout lui raconter, d’autant plus qu’elle n’approuverait sans doute pas mon choix de rentrer dans cette confrérie secrète. Il est enfin l’heure d’y aller. Je ferme la porte de mon appartement la tête pleine des exploits de James Bond et, d’un pas décidé, je me rends à mon premier rendez-vous avec l’aventure.
Bon, je vous l’accorde, ça fait un peu ridicule, mais que voulez-vous, je suis comme ça, il faudra vous y faire. Par contre, j’aurais dû être plus prudente, c’est ce que je me dis en me rendant « Chez Esther ».
Nous sommes le 20 juillet , il est presque 21 h 00 et les rues de Nice sont déjà désertes. Tout le monde se terre dans les résidences luxueuses, abandonnant la ville aux jeunes rassemblés en bandes dans les parcs, au coins des rues et aux terrasses des cafés. Les forces de l’ordre sont invisibles, sans doute cachées sur la promenade des Anglais. Je file vite, rasant les murs, profitant des coins d’ombre.
Quelques sifflets m’accompagnent, mais rien de bien méchant. J’arrive avec un peu d’avance au café. L’établissement ne paye pas de mine vu de l’extérieur, mais cette impression disparaît une fois à l’intérieur. Je me réfugie dans un box et commande une vodka-orange. Il y a beaucoup de monde au comptoir, apparemment des touristes étrangers. Parmi eux se déplacent de somptueuses hôtesses à la poitrine provocante, habillées très court, dans le plus pur style d’Esther Gobseck, ce qui me fait dire que le café porte bien son nom. Un groupe de clients attire mon attention. Trois hommes entourent une jolie blonde. Des coupes de champagne sont posées sur le comptoir devant eux. Des rires fusent. Soudain, un des hommes se penche sur le fille et lui murmure quelque chose à l’oreille.

Elle rit joliment et sa main droite se pose sur la braguette de son interlocuteur. Dans le même temps, une liasse de billets apparaît discrètement sur le comptoir et est vite escamotée par le garçon qui officie derrière. Si je ne me trompe pas, j’ai mis les pieds dans un café spécial ! Je scrute les alentours sans y découvrir de chemise rouge.
L’alcool me fait du bien, je sens une chaleur agréable m’envahir. Lorsque je regarde à nouveau vers le comptoir, la situation a évolué. La blonde a la main complètement enfoncé dans le pantalon d’un des trois touristes. Les deux autres l’effleurent, la palpent sans aucune retenue. Une main masculine explore les dessous de sa jupette noire, tout ça sans cesser de discuter et de rigoler. Soudain l’hôtesse s’interrompt, descend de son tabouret et, les trois hommes sur ses talons, s’engouffre dans un box à l’extrémité de la salle. - Bonsoir ! La voix me tire de mes pensées sulfureuses. Le messager se tient devant moi et tous mes rêves s’écroulent en une fraction de seconde. L’homme est petit, brun, sans aucun charme.
Un nez proéminent lui mange la moitié du visage. Un début de calvitie dégarnit son front légèrement bombé. Pourtant ses yeux sombres brillent et son sourire laisse voir des dents blanches bien alignées. Il a une chemise rouge, c’est bien lui. - Voilà ce que vous devez remettre à Roxanne en mains propres. Il me glisse une enveloppe très épaisse, sans aucune inscription. - Ne traînez pas, le quartier n’est pas sûr pour une belle fille comme vous ! Et il disparaît sur ce compliment.
Eberluée, je mets l’enveloppe dans mon sac, termine ma vodka et je quitte le café. Je suis déçue, je m’attendais à plus de mystère, plus d’imprévu. Au lieu de ça, j’ai une grosse enveloppe dans mon sac et une demi-heure de marche pour regagner mon appartement. Il me faut dix minutes pour retrouver tous mes esprits. L’air frais me fait du bien. Je me dépêche, profitant des zones d’ombre pour ne pas me faire remarquer.
Les scooters passent en pétaradant, les mecs s’interpellent d’un trottoir à l’autre. J’arrive au Temple de Diane. Je n’ai plus qu’à traverser le parc, monter la ruelle suivante et suis chez moi. Le temple est un charmant monument planté au sommet d’une colline, en pleine ville. Une volée de marches permet d’y accéder.
Tout autour de la colline, des allées circulaires proposent des bancs aux flâneurs. C’est un site superbe en plein jour, sinistre en pleine nuit. J’attaque l’escalier. Des bruits inquiétants s’échappent des allées latérales. Je fais mine de ne rien entendre et je continue à monter. L’incident se produit à la moitié des escaliers : trois ombres m’entourent brusquement. Je n’ai pas le temps de réagir : un foulard étouffe mes cris et des mains immobilisent mes poignets dans mon dos. La panique me fait suffoquer. On me fouille sans ménagement, mon sac est renversé, son contenu s’échappe sur le sol. On m’entraîne dans une allée latérale.

En moins de deux minutes, je me retrouve dans une fâcheuse posture : je suis maintenue debout, les bras et les jambes écartées et liées aux accoudoirs et aux pieds du banc qui me fait face. J’ai peur. Pourtant les liens ne sont pas serrés, les foulards qui m’emprisonnent sont apparemment en soie. J’ai toujours un bâillon qui m’empêche de hurler. Mon Dieu, je vais finir à la une des faits divers dans Nice-Matin…

Une silhouette se penche vers moi : - N’aie pas peur, on ne te fera pas de mal. Je ferme les yeux en maudissant mon inconscience. Il faut vraiment être folle pour se balader comme ça, en pleine nuit dans une ville comme Nice. Soudain je me crispe : des mains explorent mon corps. C’est une caresse légère, un simple effleurement qui devient vite agréable malgré la situation dans laquelle je me trouve. - Détends-toi, laisse-toi faire, tu vas voir comme c’est bon… Je tire sur les foulards sans succès.

Mon chemisier est déboutonné, mon soutien-gorge tombe sur le banc. Mes seins sont caressés, c’est si léger et si tendre que leurs pointes durcissent très vite. Je distingue deux silhouettes autour de moi.

Mes yeux se remplissent de larmes, je m’en veux de réagir ainsi : au lieu d’être terrorisé, mon corps accepte ces caresses et pire, les réclame ! Les mains continuent à agacer mes tétons qui sont érigés et très durs, irradiant des sensations affolantes vers mon ventre brûlant.

- Tu aimes ça, hein, petite salope ! Je devrais hurler de panique, j’ai envie de hurler de plaisir ! Les mains sur mes seins sont chaudes, leur contact me grise. Soudain, un léger claquement retentit, un éclair d’argent luit dans l’obscurité et un contact froid glisse dans mon cou, descend sur ma poitrine, déclenchant des frissons à la surface de ma peau. Pas de doute, c’est un rasoir. Le troisième larron s’amuse à caresser mes seins avec la lame d’un coupe-chou. - Tu vas voir, ma puce, c’est bon…

 

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